Cette période de confinement m’a amené à mettre en place un atelier chez moi où j’ai pu récupérer une partie du salon en m’arrangeant avec mes colocataires.
J’y ai ramené tout mon matériel, 2 tables et j’ai commencé à joué avec ça.
J’avais déjà entamé une recherche sur la lumière et le mouvement; la perception, que j’ai décidé d’approfondir.
En arrivant dans un espace, c’était l’occasion pour moi de prendre le temps de mettre sur papier mes explorations, mes expériences et de montrer comment elles se construisent.
J’ai conçu des dossiers sous forme de petits fascicules qui reprennent les différents axes de recherche d’un processus de travail en cours. Semaine par semaine.
Cette «contrainte» de confinement, le fait d’être dans un espace/temps de travail circonscrit, m’a permis d’approfondir et de rentrer plus facilement en lien avec mon processus de création.
D’approfondir autant les sujets de recherche que mes réflexions autour des matériaux que j’utilise et de l’espace dans lequel je me trouvais.
Sylvain Delbecque
«Le regard à l’oeuvre»
Je travaille autour des phénomènes de perception, en cherchant à créer des expériences qui parlent et interrogent le regard et le corps en mouvement ; le rapport du corps à l’espace et au temps du regard notamment.
J’utilise différents médiums comme le dessin, la photographie, la projection et l’installation pour explorer les «phénomènes de lumière» rencontrés, les formes géométriques (présentes dans la nature), la couleur, à partir de matériaux récoltés assez «pauvres,brutes» (pour reprendre les termes de Ann Veronica Janssens).
Je joue beaucoup avec l’espace et l’architecture dans lequel je travaille. Celui-ci devient partie intégrante de l’oeuvre. Il est comme un espace de dessin où mon regard vient composer un parcours d’expériences, formant une sorte de constellation des étapes rencontrées pendant le processus de création.
C’est toutes ces expériences que l’observateur en mouvement est invité à explorer à son tour. En tant que «co-producteur» de l’oeuvre (Olafur Eliasson), il est amené à se déplacer dans l’installation pour créer son propre parcours. Lui donnant ainsi l’occasion de prendre le temps de regarder, de voir et d’explorer l’espace différemment.
Je suis intéressé par les moments de «basculement» qui se crée dans le regard, qui sont comme un mouvement entre «ce que nous voyons et ce qui nous regarde» (Georges Didi-Huberman).
A quel moment ce «choc» se produit dans notre corps ? Quand est-ce que cette focalisation prend le pas sur nous, nous rend comme «absent» à nous même ? Comment différents «points» posés dans l’espace nous font voyager à travers celui-ci et nous permettent de choisir et construire un chemin ?
Sylvain Delbecque
Processus
Mon travail débute par une étape de “récolte” de matériaux, d’objets, de photos,
d’événements contenant une lumière, une couleur, une profondeur et jouant sur la
perception. Des sortes d’instants de vécu, d’expérience que j’attrape.
Il y a une grande part de déambulation, d’observation.
De là, des prises de notes interviennent, par le dessin, l’écriture, les cartes mentales, afin de
donner structure à mes recherches.
Je fais aussi des expériences assez ludiques avec ces objets et les idées récoltées, parfois sans
rien chercher en particulier, il y a une part de hasard que je provoque. D’autres fois je viens
avec des idées plus précises. Jusqu’à créer un “quelque chose” que je me propose ensuite de
retravailler dans l’espace.
Le lieu dans lequel je me trouve m’aide aussi dans ce processus. Je m’imprègne de
l’architecture, de ses lignes, des éléments qu’il contient, des lumières qui le traverse, des
couleurs qui s’y trouvent.
Le corps est appelé à participer, Il fait partie de cet échange d’expériences comme un circuit
qui le renvoie à celui-là même que j’ai parcouru pendant le processus de création.
Comment laisser trace de mon regard ? De son parcours ? Qui trace ?
C’est tout ce processus dynamique d’expériences visuelles et sensibles que je veux partager et
que chacun expérimente comme il l’entend.